Sophie Reis est devenue PDG de sa propre santé pour comprendre et se prendre en main

Sophie Reis est devenue PDG de sa propre santé pour comprendre et se prendre en main

Conférencière, formatrice et consultante en innovation et en développement des affaires, Sophie Reis a passé une partie de sa carrière chez Rogers Communications et Vidéotron où elle a été directrice, Marque et Commandites, Communications Marketing pendant plus de 8 ans. En 2016, elle cofonde la plateforme de sociofinancement La Ruche. Après avoir publié le livre « Le Guide des parents voyageurs », elle lance le site bbjetlag.com. Passionnée de voyages depuis l’adolescence, elle s’est promis de faire le tour du monde, a-t-elle expliqué lors d’une présentation au Big Bang, événement organisé par l’Association québécoise des technologies.

Enfant de deux immigrants portugais de première génération, elle a reçu d’eux, alors qu’elle était petite, une mappemonde qui lui a fait découvrir le monde et lui a donné le goût des voyages. Dès l’adolescence, elle accumule les boulots pour se payer ses rêves, prenant 2, 3, 4 jobs ou plus. En 2012, lorsqu’elle tombe enceinte de sa première fille, elle entend les gens autour d’elle dire qu’elle devra abandonner ses périples. Elle répond avec BB Jetlag, la référence des parents et futurs parents voyageurs. Quatre ans plus tard, la naissance de sa deuxième fille ne freine pas son appétit pour l’ailleurs.

« Pendant mon deuxième congé de maternité, je me suis demandé pourquoi je me trouvais dans cette course effrénée depuis l’âge de 14 ans, raconte-t-elle. J’ai pris une pause pour réfléchir et entamer une démarche de croissance pour trouver ma raison d’être. Je me suis rendu compte que ce que j’aimais profondément, c’était d’aider les gens à atteindre leur rêve. »

C’est à ce moment qu’elle rencontre l’homme d’affaires de Québec, Jean-Sébastien Noël, et qu’elle se lance dans l’aventure de La Ruche. Le premier bureau de la plateforme se trouvait dans son appartement, sur le Plateau, à Montréal. En 2020, la pandémie est arrivée et celle qui a besoin de contact humain s’est retrouvée, comme tout un chacun, isolée.

« Les seules personnes qu’on pouvait voire étaient les médecins et les thérapeutes, lance-t-elle. J’ai donc vu tous les médecins, dentistes, thérapeutes possibles, jusqu’à ma gynécologue, qui m’a demandé comment j’allais. En discutant, elle m’a proposé de faire une palpation mammaire. »

La spécialiste détecte un problème sur un sein et l’envoie faire des examens approfondis. En sortant d’une mammographie, elle se fait dire, sans savoir ce qu’elle avait : « Vous êtes jeune, vous allez vous en sortir ». Se sortir de quoi, elle n’en avait aucune idée.

En arrivant dans sa voiture, elle commence à téléphoner à des femmes qui avaient vécu un cancer du sein. Quelques semaines plus tard, elle obtient son diagnostic : tumeur agressive, mais sans aucun symptôme ni douleur. « Ma vie a fait un tournant de 180° en 10 secondes, confie-t-elle. Qu’est-ce qu’on fait ? On fête, on fuit ou on fige ? » Toujours dans l’action, Sophie Reis s’est dit qu’elle devait prendre le pouvoir sur sa vie pour agir. Sa condition physique se dégradant rapidement, elle apprend qu’elle doit faire de la chimiothérapie. Comme la plupart des femmes dans ce cas, elle demande à son médecin si elle allait perdre ses cheveux. Pour comprendre la suite de son parcours, il faut comprendre à quel point la chevelure s’avère importante pour une femme.

Refusant de s’avouer vaincue face à la chimio, elle entreprend des recherches pour voir ce qui existait ailleurs dans le monde quant à la perte de cheveux, reprenant ses réflexes d’entrepreneure.

« Je me suis nommée PDG de ma santé, illustre-t-elle. Je me suis bâti un conseil d’administration, avec mes médecins, mais aussi des gens qui allaient m’accompagner. Ma curiosité m’a amenée à aller voir des solutions innovantes. J’ai ouvert un cartable, que j’ai baptisé Guéron, et non Maladie. »

Sophie Reis a probablement été le pire cauchemar du personnel du CHUM, envoyant un ordre du jour au médecin avant un rendez-vous, posant une foule de questions pendant ses rendez-vous.

Et elle découvre que, en France, il existe des casques spéciaux réfrigérés à une température extrêmement froide que l’on peut porter avant, pendant et après le traitement de chimiothérapie. Le fait de refroidir ainsi les follicules des cheveux provoque une vasoconstriction qui permet de limiter la quantité de toxines de chimiothérapie qui pourra les atteindre, permettant à la plupart des patients de sauver une bonne partie de leurs cheveux. Aujourd’hui, Sophie Reis est vice-président du conseil d’administration de l’organisme « Garde tes cheveux ».

« J’ai réussi à passer au travers de mes thérapies avec peu ou pas d’effets secondaires, souligne-t-elle. Aujourd’hui, je suis guérie, jusqu’à preuve du contraire. »

Le mot rémission, très peu pour elle ! Et le fait de ne pas perdre ses cheveux lui a permis de garder sa maladie cachée pendant presque un an.

Comme tous les futurs parents, Sophie Reis avait reçu, lors de sa première grossesse, le livre « Mieux vivre avec notre enfant de la grossesse à deux ans », offert par l’Institut national de santé publique du Québec. En sortant de son épreuve, elle s’est mise en tête d’écrire un « Mieux vivre », version cancer, ce qui a donné l’ouvrage et le site Web « Un cancer en cadeau ». Sa force, dit-elle, provient du fait qu’elle veut apprendre, comprendre, consolider et transmettre. Pour Sophie Reis, la vulnérabilité peut devenir une force. Lorsqu’elle a appris qu’elle était atteinte d’un cancer du sein, elle a eu peur. Depuis, dans sa vie, chaque fois qu’elle doit prendre une décision, elle n’a plus peur. Elle se demande si sa vie est en danger. Oui ? Non ?

Au cours de l’été 2023, alors qu’elle roulait sur son scooter par une belle journée, sa roue avant est tombée dans un nid de poule. Sophie Reis a basculé, face contre terre, sur la route et s’est de nouveau retrouvée au CHUM pour faire une reconstruction faciale. Une occasion pour elle de découvrir un autre département de l’hôpital montréalais, dit-elle en riant. Il faut savoir écouter ses tripes, son cœur et son cerveau, conseille-t-elle en fin de compte.


Merci à ADN conférencier.e.s pour sa contribution ayant rendu possible la plénière de clôture de la 20e édition du Big Bang AQT.