Dominique Lebel prône l’utilité du jeu vidéo dans l’industrie des TI

Dominique Lebel prône l’utilité du jeu vidéo dans l’industrie des TI

Le téléphone intelligent est inspiré des jeux vidéo, le saviez-vous ? L’industrie du jeu vidéo québécoise emploie 15 000 personnes qui travaillent dans le même écosystème que l’industrie des TI. Pourtant, ces deux univers travaillent très peu ensemble. Dominique Lebel, vice-président senior chez Behaviour Solutions d’Affaires, a dressé ce constat lors d’une conférence à Vision PDG. Or, selon lui, l’industrie des TI a beaucoup à apprendre de celle du jeu vidéo.

Le succès de l’industrie du jeu vidéo québécoise repose sur quatre facteurs, a-t-il expliqué devant les membres de l’Association québécoise des technologies (AQT), réunis à Gatineau fin mai : d’abord les avancées technologiques, la capacité à aller chercher de la rétroaction, un modèle d’affaires permettant d’être innovant et un maillage entre la technologie et la créativité. Dominique Lebel ne vient pas du monde de la technologie. Il a passé huit ans chez Cossette avant de devenir directeur adjoint au cabinet de Pauline Marois lorsqu’elle était première ministre du Québec.

Behaviour compte aujourd’hui deux divisions, l’une qui développe de la propriété intellectuelle en jeux vidéo et l’autre, chargée des services en intégrant les technologies dans d’autres entreprises. La plus grande franchise du studio indépendant québécois demeure « Dead by Daylight », un jeu multijoueur d’action et d’horreur survivaliste, dont l’univers ne se trouve pas très loin du cinéma. D’ailleurs, mondialement, l’industrie du jeu vidéo représente le double des revenus de celle du cinéma, générant 200 milliards $ chaque année.

« Le jeu vidéo est devenu un phénomène culturel, note Dominique Lebel. Tout le monde a un lien avec le jeu vidéo. Quelque 50 millions de personnes jouent à « Dead by Daylight », dont beaucoup de gens au Japon. Ce jeu nous permet d’atteindre un public à travers le monde. »

Ce jeu demeure un produit très niché dans une industrie segmentée par type de jeux et de plateformes. Il a donc réussi à connaître un succès niché, mais partout sur la planète. Le jeu vidéo a changé la façon d’interagir avec le numérique. On peut penser à l’interface de Netflix qui s’en inspire.

Le jeu vidéo a aussi permis de développer des expériences utilisateurs, avec des plateformes comme Twitch, Steam et le sport électronique. À lui seul, Twitch a enregistré 1,8 milliard de visionnements en avril 2022. On parle ici de gens qui regardent d’autres gens jouer à des jeux vidéo. Les « twitchers » deviennent des vedettes que les jeux viennent nourrir. La Banque Nationale vient de lancer son canal Twitch pour la littératie financière. L’industrie du jeu se trouve en constante transformation. Dominique Lebel donne en exemple le « free-to-play », un modèle qui offre un jeu gratuitement jusqu’à ce que les gens deviennent adeptes et commencent à payer pour aller plus loin. « Il faut constamment aller chercher la rétroaction des joueurs et les écouter, dit-il. Le jeu doit obtenir des résultats, sinon on le tue. »

Deuxième aspect particulier au monde du jeu vidéo : la compétition s’avère très féroce et la qualité des rendus s’améliore constamment. On voit aussi apparaître la notion du Game as a Service (GaaS), de la même manière que le Software as a Service (SaaS).

« Avant, on allait dans un magasin comme Future Shop et on achetait un jeu, ce modèle n’existe plus. Cela permet d’améliorer le contenu, note le vice-président senior de Behaviour Business Solutions. On passe d’un jeu fini à un service. Aujourd’hui, on peut même acheter des jeux sur des plateformes de diffusion en continu. »

Autre avantage du jeu vidéo qui pourrait inspirer l’industrie des TI : un jeu peut durer longtemps ; certaines franchises existent depuis des années. Par exemple, « Dead by Daylight » a été lancé en 2016 et compte encore 7 ou 8 ans devant lui et 250 personnes y travaillent à temps plein pour poursuivre le développement. Longtemps, les jeux vidéo s’inspiraient du cinéma, aujourd’hui, c’est le contraire. L’industrie des TI pourrait aussi s’intéresser à la ludification dont la méthode repose sur un but, un apprentissage, des compétences, des accomplissements, différentes récompenses, la compétition et l’engagement.

« Et ce n’est que la pointe de l’iceberg, souligne Dominique Lebel. D’autres choses s’en viennent, comme la démocratisation des technologies de jeu. Beaucoup de technologies peuvent avoir un impact sur les jeux vidéo, mais aussi sur l’industrie de la construction ou encore le domaine de la santé. Il existe plein de verticaux. Ainsi, Bombardier compte parmi nos clients. Nous avons lancé notre division Solution d’Affaires il y a environ sept ans. Juste avant la pandémie, nous allions à des salons et 8 kiosques sur 10 se basaient sur les outils de jeux. »

L’industrie québécoise du jeu vidéo se place dans les trois premières au monde, derrière la Californie et Tokyo, rappelle-t-il. Ce n’est pas une ressource naturelle, mais une histoire inventée grâce à la volonté du gouvernement du Québec et d’une entreprise, Ubisoft pour ne pas la nommer, qui ont voulu créer quelque chose d’unique et qui y ont travaillé pendant des années.

Dominique Lebel veut défaire sept mythes ou, comme il les appellent, des péchés capitaux :

  1. Le jeu vidéo, c’est pour les enfants ! Rien n’est moins vrai. Tout le monde joue !
  2. C’est une affaire de gars. En fait, les femmes représentent la moitié des joueurs.
  3. C’est une mode. Behaviour a 30 ans. Ubisoft est arrivé au Québec en 1997 et le marché se trouve en pleine croissance, surtout en Asie.
  4. C’est juste du divertissement. Les technologies du jeu vidéo peuvent s’appliquer à d’autres domaines.
  5. Ce n’est pas vraiment une industrie. Au contraire, il s’agit d’une industrie de plus en plus mature. La plupart des gens qui y travaillent ont étudié dans le domaine et la moyenne d’âge est plus élevée que dans le milieu de la publicité.
  6. Cela n’a pas d’impact sur nos entreprises. Dominique Lebel n’en est pas convaincu puisque les jeux vidéo ont un effet indirect sur les employés, sur les clients, et sur les clients des clients.
  7. Ça ne me regarde pas. En réalité, les Québécois se révèlent être de grands joueurs, il serait bête de s’en passer.