L’enregistrement des noms commerciaux au Registre des entreprises, un faux sentiment de sécurité

L’enregistrement des noms commerciaux au Registre des entreprises, un faux sentiment de sécurité

Le nom d’une entreprise est au cœur de son identité et définit, en grande partie, la relation entre l’entreprise et la clientèle qu’elle dessert. À l’aube d’une ère post-COVID, les organisations peuvent être amenées à réévaluer leurs stratégies de protection de leur marque.

En enregistrant leurs noms commerciaux (utilisés ou projetés pour utilisation éventuelle) auprès du registraire des entreprises, plusieurs entreprises croient ainsi obtenir une protection de ce nom qu’elles pourraient faire valoir à l’encontre de tiers ou de concurrents qui emploieraient un nom identique ou similaire. Or, ces entreprises seront certainement surprises d’apprendre que la Loi sur la publicité légale des entreprises (la « Lple »), à son article 19, énonce clairement le contraire : « Le seul fait de l’inscription d’un nom au registre ou du dépôt qui y est fait d’un document qui le contient ne confère pas à l’assujetti un droit sur ce nom. »

Il faut comprendre que l’objectif de la Lple n’est pas tant de fournir une quelconque protection aux entreprises que de permettre aux citoyens d’être en mesure d’identifier les personnes et sociétés qui sont derrière les entreprises avec qui ils transigent.

Si l’on veut obtenir des droits dans un nom commercial de manière à se prémunir contre l’emploi par un tiers d’un nom qui risque de créer de la confusion avec celui-ci, il n’y a que deux façons :

  • L’emploi du nom de manière à créer, dans l’esprit du public consommateur pertinent, une association entre, d’une part, le nom et, d’autre part, l’entreprise ou les produits et services qu’elle offre; ou
  • L’enregistrement du nom à titre de marque de commerce sur le registre des marques de commerce tenu par l’Office de la propriété intellectuelle du Canada

Ces façons ne sont pas alternatives et sont, idéalement, cumulées. Toutefois, cette première façon, soit l’emploi du nom, à elle seule comporte son lot de limitations et nous en aborderons quelques-unes ci-dessous.

Les limitations de se fier uniquement sur l’emploi des noms commerciaux

Dans un premier temps, l’utilisation réelle et commerciale est un prérequis sine qua non à l’obtention d’un quelconque droit ou protection. Dans ce contexte, si l’on développe, par exemple, une nouvelle gamme de produits ou services qui sera offerte sous un nouveau nom, il y a un risque de « se faire couper l’herbe sous le pied » par un tiers entre le moment où la décision d’adopter le nouveau nom a été prise et celui où les produits ou services concernés sont effectivement vendus ou offerts sur le marché. La source de ce risque est double.

En effet, il arrive malheureusement, à l’occasion, qu’une personne qui a entendu parler d’un projet en cours décide, pour quelque raison que ce soit, de produire une demande d’enregistrement de marque pour le nom en question avant qu’il ait été employé sur le marché. Ensuite, de manière tout à fait fortuite, il arrive qu’un tiers débute l’emploi du même nom ou d’un nom similaire ailleurs au Canada ou produise une demande d’enregistrement de marque pour celui-ci.

Dans un cas comme dans l’autre, les problèmes peuvent être sérieux : on peut perdre le droit d’employer le nom sur le marché ou d’obtenir une protection pour celui-ci à titre de marque de commerce. Il est donc possible qu’on doive, dans certains cas, retourner à la proverbiale planche à dessin, trouver un nouveau nom et ainsi perdre une partie des efforts et sommes consacrés au développement et au lancement du nom devant être désormais mis au rancart.

Ensuite, dans un deuxième temps, il faut considérer que les droits accordés dans un nom en raison de son emploi sont essentiellement limités à l’achalandage qui y est lié, ce qui comporte forcément une limitation géographique dans la région où le nom est effectivement employé. L’obtention de droits d’une telle portée limitée peut paraître suffisante si notre ambition se limite initialement à un commerce très local.

Par contre, avec le succès ou les opportunités d’affaires qui peuvent poindre, l’ambition initiale peut facilement se transformer en visée expansionniste, soit par l’ouverture d’autres places d’affaires ou par l’expansion territoriale de sa base de clientèle au Québec ou au Canada. La protection limitée que procure l’emploi peut donc avoir de fâcheuses conséquences. Par exemple, une entreprise œuvrant dans le même secteur économique dans une autre ville pourrait, par pur hasard, adopter le même nom ou un nom similaire; cet exemple est beaucoup plus fréquent qu’on ne pourrait l’imaginer. Cinq, dix, voire vingt, ans plus tard, les deux entreprises ont pris de l’expansion, l’une dans la partie est du pays, l’autre dans la partie ouest : une ou l’autre, voire les deux, peuvent alors à être contraintes de freiner leur expansion respective sans pouvoir accroître leur part territoriale de marché. Des problèmes similaires se posent également si l’on parle d’une expansion de la gamme des produits et services vendus ou offerts sous le nom en cause, car les droits acquis en raison de son utilisation sont essentiellement restreints aux produits et services déjà vendus ou offerts sous le nom.

La seule façon d’obtenir des droits nationaux dans un nom commercial, même si son emploi est strictement local, est par l’obtention d’un enregistrement de marque de commerce. Lorsque la demande d’enregistrement est produite avant le début d’emploi du nom sur le marché, les droits au nom sont, de plus, rétroactifs à la date de production de la demande lorsque l’enregistrement aura été acquis. Ainsi, dès que l’emploi d’un nouveau nom est envisagé, la bonne marche à suivre est :

  • s’assurer que le nom ou la marque est disponible en ce qu’elle n’enfreint pas les droits de tiers dans un nom identique ou similaire et, le cas échéant, et ensuite
  • procéder à la production d’une demande d’enregistrement de marque afin d’effectivement réserver l’utilisation du nom a mari usque ad mare.

Même si les visées de l’entreprise concernée sont de modeste envergure ou à saveur plus locale, il s’agit tout de même de la marche à suivre recommandée, car cela ajoute une véritable valeur à l’entreprise, notamment aux yeux d’un éventuel acquéreur ou partenaire qui pourrait vouloir développer davantage l’entreprise.

Finalement, en sus de conférer des droits qui sont plus faciles à faire valoir devant les tribunaux que les droits conférés par le seul emploi, un enregistrement de marque est souvent un prérequis nécessaire pour intervenir auprès des Amazon et eBay de ce monde pour faire cesser l’offre en vente de produits contrefaits sur le web.

L’importance du nom d’une entreprise ne peut être sous-estimée. Bien protéger son nom, pour en assurer le droit à l’utilisation, pour préserver ses possibilités d’expansion et d’accroissement de ses parts de marché et pour se prémunir adéquatement contre une concurrence déloyale, devrait être une des premières préoccupations de l’entreprise.

N’hésitez pas à contacter notre équipe de spécialistes en marques de commerce qui accompagne les entreprises de biens et services, dans tous les secteurs d’activité, et qui se fera un plaisir de vous guider en matière de vérification de disponibilité pour emploi et de stratégie de protection de votre nom au Canada et à l’international.


Source de l’article : https://www.bcf.ca/fr/intelligence-d-affaires/2020/l-enregistrement-des-noms-commerciaux-au-registre-des-entreprises-un-faux-sentiment-de-securite

 

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